29 avril 2015

Un point sur les éruptions des volcans Calbuco et Sinabung

Calbuco, Chili, 2003 m

Pas grand chose de nouveau depuis le précédent post si ce n'est que se posent toujours des questions quand au mécanisme responsable de cette soudaine et assez violente activité. Elle a été classée VEI 4 après les résultats des estimations du volume de cendres émis. La mauvaise météo qui règne depuis l'éruption empêche de voir ce qu'il se passe sur le volcan avec détails mais le MODIS permet de
constater que le panache a fortement baissé d'importance ces derniers jours. Le SERNAGEOMIN a, de son côté, fait déjà savoir que la sismicité était en baisse (même si le trémor semble repartit à la hausse aujourd'hui.

Diminution de l'activité entre les 24 et 28 avril. Images: MODIS/NASA
Aucune nouvelle pour le moment concernant l'analyse des cendres et des premières conclusions qui peuvent être faites concernant l'origine du magma qui a fait éruption. Il faudra peut-être attendre que des publications scientifiques soient faites pour avoir les détails mais, en ce qui me concerne, je suis très curieux de savoir si du magma profond est en cause dans cette affaire ou non.
En tout cas les gaz, et peut-être quelques cendres, du panache, toujours en cours de dispersion et de dilution dans l'atmosphère, ont quasiment atteint les côtes de l'Afrique du Sud. C'est la raison pour laquelle le VAAC de Toulouse a commencé d’émettre des bulletins concernant le Calbuco. Il faut dire que les deux explosions principales ont libéré quelque chose comme 300 000 à 400 000 tonnes de SO2.

Le SO2 du panache du Calbuco détecté aujourd'hui par l'instrument AIRS (embarqué sur la version AQUA du MODIS). Image : ESA

Pour le moment les travaux de déblaiement des cendres sont toujours en cours et durerons encore quelques semaines. Plus de 200 000 m3 de cendres et ponces ont été enlevés, ce qui permis de récupérer l'ensemble des principaux accès routiers, même secondaires, autour de l'édifice. Les lits de rivières, encombrés par les dépôts des lahars, font l'objet d'une attention toute particulière et sont aux aussi râclés à coup de godets pour tenter d'atténuer l'impact d'éventuels futurs autres lahars et les nettoyer de divers débris anthropiques (bouts de béton armé, débris métalliques divers...) emportés au passage.

Déblaiement des routes. Image : auteur inconnu/Soy Puerto Montt

Nettoyage des rivières. Image : auteur inconnu/Soy Puerto Montt

Autre impact, plus esthétiques cette fois: de belles couleurs au soleil couchant sur la ville de Rio de Janeiro (peut-être dès le 25 avril au soir).

Couché de soleil surcoloré apr les gaz du CAlbuco à Rio de Janeiro. Image: Helio C. Vital, via Spacewaether

Le SERNAGEOMIN a pu faire d'autres images aériennes lors d'un survol de contrôle hier. Les émissions de cendres sont bien visibles sur le cône principal, tout comme la série de petits cratères secondaires formés au moment de l'explosion et qui s'alignent tous le long d'une ligne courbe qui pourrait être le rebords de l'ancien cratère, ou d'une petite caldera, remplit par les dépôts des éruptions précédentes. On peut aussi noter la présence de fissures radiales qui partent d'un point situé à côté du cône où se produit l'activité explosive. Elles laissent s'échapper des fumerolles et l'une d'entre elle semble ouverte: ce type de déformation apparait parfois lorsque le sol se soulève légèrement. Encore faut-il que ce soit bien là le mécanisme à la source de cette fissuration...

Cratères et fissures ouvrent le sommet du Calbuco. Image: SERNAGEOMIN

Sources: VAAC de Toulouse ; SERNAGEOMIN ; Spaceweather; NASA Earth Observatory ; Soy Puerto Montt : MODIS/NASA;  ESA

Sinabung, Indonésie, 2460 m

Une nouvelle phase d'effondrements a eu lieu hier en fin de journée au Sinabung. L'émission de lave visqueuse qui avait fait suite à la précédente phase de ce type, le 31 mars dernier, s'était poursuivie avait de nouveau produit un lobe de lave qui, cette fois, était parvenu à s'allonger plus que les fois précédentes, du moins à ce qu'il m'a semblé, avec une longueur estimée à partir des images ci-dessous, à 300m.

Une légère tâche noire allongée au sommet du Sinabung: c'est le lobe de lave. Image : Armen Putra

Le lobe vu d'un peu plus près.a forme est plus allongées que les précédents lobes Image:  Umar Rosadi

Après ces quelques semaines d'accalmie donc ce lobe est devenu trop instable: vous connaissez maintenant le principe. Peu après 17h (heure locale), il sa commencé à s'effondrer, morceau par morceau, générant à chaque fois un nouvel écoulement pyroclastique. La séquence compte ici pas moins de 8 écoulements qui se sont succédé entre 17:02 et 18:20. Nul doute que des personnes sur place auraient cru, à tord, que l'éruption montait en puissance car la série est quand même assez impressionnante. Il n'en est rien car le débit de magma ne semble pas avoir changé du tout: ces effondrements ne sont que la conséquence, finalement, de la conjonction: lave visqueuse+forte pente, et non pas de l'arrivée de magma en plus de qui sort déjà.
C'est le cas d'ailleurs depuis janvier 2014, l’intensité* de éruption ne faisant en gros, que stagner depuis des mois, voire même progressivement baisser (la fréquence des effondrements a diminué depuis l'apparition du lobe actuel en octobre 2014).

Certains écoulement ont été très impressionnants cette fois encore avec d'imposants panaches co-pyroclastiques, chargé d'éclairs, et des distances parcourues variant de 3.5 à 4.5 km.

Cette fois par contre le village de Gurukinayan (versant sud) n'a pas été épargné: les écoulements l'ont atteint et brûlé. En fait, en regardant bien l'image ci-dessous à droite faite aujourd'hui, il semble pour être clair que le dépôt s'est arrêté à quelques mètres du village seulement (une autre photo montre bien cette proximité mais est moins parlante concernant l'impact sur le village), sans y pénétrer, mais qu'une partie plus diluée des cendres et gaz, poursuivant son chemin sous l'effet de son inertie, est restée assez chaude pour déclencher des incendies.
En tout cas le fait que ce village, plus au sud que toutes les zones impactées jusqu'à présent, ait été victimes des écoulements pyroclastiques semble montrer que de nouveaux couloirs peuvent être empruntés par ces écoulements, ce qui élargit un peu plus la zone à haut risques vers le sud : jusqu'à présente les flancs est est sud-est seuls étaient franchement exposés.
Et là vous pourrez remarquer ce qui peut sembler être paradoxale: plus le temps passe, plus l'activité semble s'affaiblir et, pourtant, de nouvelles zones sont impactées... La relation entre dégâts, risques et intensité d'une éruption n'est donc pas toujours proportionnelle, en tout cas pas forcément sur le moyen-long terme. 


Le village de Gurukinayan brûle. Image: Beidar Sinabung


Le village de Gurukinayan en ruines aujourd'hui. Image: S@drahps

Sources: twitter (@LeopoldAdam, )

*: en volcanologie l'intensité d'une éruption désigne le débit éruptif pour une activité explosive. Ici il s'agit d'une extrusion et il faut donc entendre le mot "intensité" dans son acception courante.

1 commentaire:

  1. Magnifique photo du sommet du Calbuco (on l'attendait) !
    La géométrie y est parfaite...et notamment, les évents secondaires qui sont comme posés sur cette ancienne cicatrice. C'est comme si l'évent principal n'avait pas été suffisant pour évacuer toute la surpression. Joli !

    Bonne soirée,

    Ludovic

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