1 juillet 2015

L'éruption du volcan Fuego devient sérieuse (mis à jour 02 juillet)

Je prend ici la suite des mises à jours faites ce matin dans le post du 29 juin, car la situation a continué d'évoluer.

Phénomènologie
L'activité éruptive s'est en effet intensifiée au cours de la journée et l'effusion qui descend sur le
versant sud-est, en direction de la ravine Las Lajas, donne maintenant naissance à des écoulements pyroclastiques assez volumineux, on peut même dire impressionnants. Au moins l'un d'entre eux, sur l'image ci-dessous, a parcouru une distance d'environ 4.5 à 5 km (il arrive au pied du stratovolcan).

Ecoulement pyroclastique sur le volcan Fuego, 01 juillet 2015
Un écoulement pyroclastique produit par l'effondrement de la coulée de lave cet après-midi.  Image : @liberalucha, via twitter

Conséquences

L'activité est même assez intense maintenant pour avoir obligé le CONRED  à passer en alerte institutionnelle orange. Des évacuations préventives ont même eu lieu dans la zone appelée La Réunion, installée non loin de la ravine Las Lajas.
Des chutes de cendres ont aussi été recensées à Siquinalá et Santa Lucia Cotzumalguapa, à une vingtaine de kilomètres au sud du sommet, mais aussi sur plusieurs communes du versant ouest, comme Yepocapa, et même jusqu'à Solola, au bord du lac Atitlan, à près de 50 km au nord-ouest! Le port de masques à poussières est recommandé dans ces zones.


Ecoulement pyroclastique sur le volcan Fuego, 01 juillet 2015
Un autre écoulement pyroclastique dans la ravine Las Lajas, vu de face depuis la zone de La Réunion. Image: CONRED
L'activité est donc très intense et les autorités auront fort à faire dans les heures qui arrivent pour informer, expliquer et, le cas échant, continuer d'organiser des évacuations et l'accueil des personnes déplacées.


Mise à jour 02 juillet, 08h46

L'activité se poursuit mais a décliné en fin de journée hier. L'activité explosive qui illuminait le sommet s'est calmée bien que des explosions stromboliennes soient toujours présentes. La coulée, de son côté, a visiblement dépassé le kilomètre de longueur.

La coulée de lave sur la webcam en mode nocturne (capteur sensible aux infrarouges). Image : OVFGO/INSIVUMEH-USAID-Michigan Tech

Le CONRED et l'INSIVUMEH ont une crainte principale: la quantité de cendres et blocs déposés par les écoulements pyroclastiques d'hier, qui semble assez importante pour générer l'écoulement normal des eaux pluviales. Le risque de survenue de lahars importants, même dans les mois qui viennent, est donc considéré comme très accru or, à proximité du débouché de la ravine Las Lajas, passe la route qui relie les départements de Sacatapequez et Escuintla, un axe routier important entre la côte pacifique et l'intérieur des terres. Le CONRED commence donc à regarder quels moyens il faudra déployer pour minimiser l'impact de futur lahars sur ce secteur.



Sources : CONRED;  @liberalucha, que je remercie, INSIVUMEH; presse guatémaltèque


3 commentaires:

  1. Bonjour Monsieur,
    Depuis qu’Haroun Tazieff l’ait démonté, nous avons la quasi certitude que les deux volcans jumeaux de la chaine des Virunga, à savoir Nyiragongo et Nyamuragira, ne partagent pas la même chambre magmatique. Ils sont séparés l’un de l’autre, d’environ 8 km.
    Pour ce qui est du Guatemala, Fuego et Acatenango ne sont distants que de 2 KM l’un de l’autre. Comment imaginer que leur chambre soit totalement indépendante ? Seraient-ils siamois plutôt que jumeaux ?
    Compte tenu que leur activité éruptive parait temporellement sans réel rapport, alors c’est que leurs réservoirs magmatiques sont séparés. Si, selon toute vraisemblance géométrique ils ne peuvent pas l’être horizontalement, à moins que Dame nature n’ait érigé un mur de tungstène entre les deux, alors c’est verticalement qu’ils se « superposent »plus ou moins. Mais alors, comment, dans cette position, le circuit de remonté du magma frais peut-il s’opérer de manière distincte ? Avons-nous quelques indices ou théories à ce sujet ? Existerait-il une troisième chambre plus profonde ?
    Par ailleurs, je suis réellement surpris de voir le Fuego, volcan jusqu’ici à activité « Strombolienne », venir vomir des nuées ardentes, ce qui pourrait être révélateur d’une modification de la nature des laves émises, qui se rapprocheraient de celles de l’Acatenango apparemment plus acides.
    Bien cordialement
    Pierre Chabat

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    1. Bonjour Mr Chabat.
      Pour répondre à votre 1ere question: le terme siamois convient peut-être mieux que jumeaux du fait qu'ils sont visiblement très profondément rattachés l'un l'autre. Cependant il faut regarder le couple Fuego-Acatenango comme un seul massif (qui contient par ailleurs, d'après ce que j'ai pu lire, au moins 5 centres éruptifs distincts) qui a évolué dans le temps.
      Sur des durées longues (centaines de milliers d'années au moins) on constate fréquemment sur les volcans la migration progressive des évents éruptifs. Un massif volcanique qui subit cette migration va ainsi se construire par l'apparition de stratocones successifs, proches, qui vont parfois fonctionner un moment de manière simultanée. C'est le cas du Fuego, dont les plus anciennes éruptions remonteraient à seulement 13 000 ans, alors quel massif entier semble avoir entamé sa formation qu'il y a environ 230 000 ans. Par ailleurs il semble fréquent que les changements de position des évents soient liés à des changements de composition des magmas émis (signes de changements qui ont lieu directement à la source, soit dans le manteau, soit parce que le trajet qu'emprunte le magma lors de sa remontée est différent).
      Qu'il y ait un lien entre les deux stratocone est indéniable: il semble qu'au niveau de la composition géochimique des laves émises sur les deux il y ait des corrélations qui manifestent ce "lien de parenté". Mais si l'on regarde l'évolution du massif dans le temps il semble plutôt que le Fuego prenne progressivement le relai de l'Acatenango, raison pour laquelle le terme "jumeaux" est encore moins adapté que "siamois". Je me risque à une hypothèse que je ne peux vérifier par manque de temps (car je suppose qu'elle a été déjà été étudiée mais je n'ai pas le temps de chercher d'informations précise pour le moment) : l'Acatenango émet des roches plus siliceuses peut-être tout simplement par ce que son système d'alimentation est moins sollicité puisque le magma monte depuis la source commune (qui pourrait être dans le manteau) vers le Fuego. En conséquence le magma alimentant vers l'Acatenango monterais moins rapidement, en plus petit volume, serait stocké plus longtemps et aurait ainsi le temps de se différencier, voir d'assimiler un peu de croûte. Ces laves siliceuses pourrait dès lors fort bien constituer le "chant du cygne" (sur une échelle de temps géologique) de l'Acatenango au profit du Fuego.

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    2. Quand à la seconde question: activité strombolienne + écoulement pyroclastique, il n'y a simplement pas de contradiction entre avoir un magma fluide et ce type d'écoulement. C'est parce qu'il a souvent été répété, dans les lectures ou les conférences, que certains phénomènes étaient strictement associés à certains magmas que vous liez "lave visqueuse" avec "écoulements pyroclastique": c'est le défaut fondamental des termes vulgarisés "volcans rouge/gris" et "volcan explosif/effusif", raison pour laquelle je ne les emploie absolument jamais.
      Un écoulement pyroclastique est "simplement" un mélange de gaz et de cendres qui s'écoule de manière turbulente sur le sol. Et pour faire des cendres, nul besoin impérieux de lave visqueuse, ni même d'explosion: une coulée de lave fluide sur une forte pente est très instable et se fragmente en morceaux qui explosent littéralement en roulant dans la pente sous la pression des gaz qu'ils renferment, formant des cendres, qui se mélange au gaz libéré.

      Une chose n'est pas à remettre en cause toutefois: les écoulements pyroclastiques les plus importants sont produit par les éruptions explosives: ce sont elles qui produisent à la fois les plus grande quantités de cendres et libèrent les plus grandes quantité de gaz: normal qu'il y ait à la clé les écoulements pyroclastiques les plus volumineux.
      On voit ainsi, moins rarement que l'on ne le pense,de tels écoulements se produire sur l'Etna, sur le Klyuchevskoy etc.

      J'espère avoir répondu a vos questions.
      Bien cordialement

      CV

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