14 août 2015

Deux explosions sur le volcan Cotopaxi (mis à jour 16 août, 08h31)

Cela fait déjà un moment que le volcan montre les signes d'un possible réveil avec l’augmentation de la sismicité depuis mi-avril (628 secousses en avril, 3000 secousses en mai, d'après le premier rapport spécial de l'IGEPN) et l'apparition, récemment, d'un lac dans le cratère sommital. Ce dernier est le résultat de la fonte d'une partie du glacier qui couvre le sommet, sous l'effet des émissions de gaz à plus haute température. Cette évolution du dégazage, qui est devenu plus continue depuis avril et forme
un panache visible sur les images de la webcam, est cohérent avec le type de sismicité: les secousses de type Longue Période, associées aux déplacements de fluides dans l'édifice, sont très nombreuses dans cette période d'instabilité. il est donc logique de constater la présence d'un panache persistant, qui est l'expression de l'arrivée de ces fluides en surface. En plus de ces signaux les gardiens du Parc National ont constaté une augmentation du débit des rivières descendant du flanc nord-est, peut-être en raison d'une fonte accrue des glaces de ce versant.

Les phénomènes (aléas)

La question est donc: en cette période d'instabilité, la première depuis fin juillet-août 2005, le volcan va-t-il entrer en éruption? C'est une question particulièrement sensible parce que le Cotopaxi est considéré comme l'un des volcans les plus dangereux du monde. Il combine en effet:
- un historique d'éruptions assez puissantes, source d'importantes chutes de cendres, d'écoulements pyroclastiques pouvant dévaler plusieurs flancs simultanément, et de lahars de gros volume en raison de la fonte du glacier qui lui coiffe le sommet.
- une population importante dans les zones à risques, estimée à environ 300 000 personnes.

La précédente crise sismique, qui manifestait aussi des séismes Longue Période et mêmes hybrides (secousses dues à de la fracturation + des mouvements de fluides) s'était calmée sans autres manifestations. Mais il y a cette fois une différence notable de l’activité avec la production, aujourd'hui, de deux explosions à 04h02 et 04h07 du matin (heure locale), entendues par des alpinistes en ascension sur le massif. Le panache s'est dispersé en direction du sud-ouest, comme le montre cette image satellite. Il s'agit là de la première activité éruptive enregistrée depuis les années 40 (une éruption en 1942 reste incertaine donc la dernière sûre remonte à 1940, avec un VEI2)

Le panache de cendres du volcan Cotopaxi, 14 août 2015
Le panache de cendres produit par les deux explosions. Image : NOAA
Cette activité, qui n'a pas été vue, observée, mais été précédée d'une hausse de la sismicité à partir du 13 août en fin d'après-midi, et suivie de chutes de cendres et d'odeurs de soufre ressenties jusqu'à Machachi, petite ville pourtant située à environ 24 km au nord-ouest du massif.


Des cendres ont même été emportées jusqu'au sud de Quito, la capitale Équatorienne, pourtant située à environ 40 km au nord de l'édifice.
Au levé du jour le volcan continuait de produire un abondant panache de "vapeur", de teinte claire, signifiant l'absence d'une émission continue de cendres mais aussi d'une activité de dégazage toujours importante.


La question du mécanisme à l'origine de ces explosions se pose, bien entendu:
- s'il s'agit d'une activité phréatique, ce qui semblerait être le cas puisqu'il n'y a eu que deux explosions, qu'elles ont été faibles et n'ont été suivies que d'un dégazage riche en "vapeur", sera-t-elle précurseur d'une activité magmatique, ou phréatomagmatique?
- s'il s'agit d'une activité magmatique, ou phréatomagmatique, comment cela va-t-il se poursuivre?


Encore une fois, c'est l'analyse des cendres qui permettra de déterminer le mécanisme de cette activité.


Les conséquences

Suite à cette activité explosive faible, les autorités ont décider de fermer l'accès au refuge du Cotopaxi, passage obligé pour l'ascension du massif. Les vols de la compagnie aérienne Tame qui devaient atterrir à Quito ont été déroutés pour atterrir sur Guayaquil. L’accessibilité au Parc National est maintenant réduite.
Dans les villes concernées par les chutes de cendres, les soucis sont minimes, mais les Equatoriens qui vivent à Quito partagent énormément de photos de la ville couvertes par le fin dépôt de cendres. Certains se couvrent même le nez et la bouche avec des masques ou des écharpes: la prévention semble faire son effet, ce qui est une bonne nouvelle.


Au moment où se post est rédigé le Secrétariat National de Gestion des Risques n'a pas encore décidé s'il y aurait un changement d'alerte institutionnelle ou non: ce dernier est toujours donc au minimum (blanc) et aucune mesure particulière n'est déclenchée. Les autorités attendent les résultats de l'Institut de Géophysique (IGEPN), notamment la cartographie des dépôts et, très probablement, l'expertise concernant la situation et ses possibles évolutions. L'IGEPN doit faire un survol du volcan pour tenter d'avoir plus d'informations. La décision de changer ou non le niveau d'alerte institutionnelle sera annoncée à 10h30 (heure locale) : ça ne devrait donc pas tarder.

Affaire à suivre.


Mise à jour 18h23

A peine ais-je eu le temps de clore ce post que l'IGEPN informe qu'une très grosse explosion a eu lieu vers 10h50 (heure locale). Le panache de cendres, peu visible sur la webcam du fait d'une météo défavorable, s'est élevé sur une hauteur de 5000 m.



Explosion sur le volcan Cotopaxi, 14 août 2015
Les cendres dépassent à peine des nuages. Image : IGEPN






Pour le moment les médias ne rapportent pas encore d'informations précises sur les conséquences potentielles, mais le Ministère de l'Environnement vient tout juste d'indiquer que la zone de détente El Boliche, située au sud-ouest du volcan, dans la région de Cotopaxi (Canton de Latacunga), est fermée au public. Le Secrétariat National de Gestion des Risques, a élevé le niveau d'alerte institutionnelle au jaune.

Mise à jour 23h28

Les phénomènes (aléas)

Les rapports se précisent concernant l'activité en cours au Cotopaxi. DAns un rapport spécial mis en ligne il y  a peu, l'IGEN indique que l'explosion qui s'est produite à 10h50 (heure locale), est montée à presque 8000 m de hauteur (entre 13 et 14 km d'altitude). Au moins deux nouvelles explosions ont eu lieu en début d'après-midi, chacune ayant pu être observée, partiellement, grâce à la webcam installée à Sincholagua. Celle qui s'est produite vers 13h40 (heure locale) fut très importante, avec de nouveau un panache haut de 5000m environ (soit une altitude pour le sommet du panache entre 10 et 11 km....). Celle qui a suivi, moins d'une heure plus tard (14h29 heure locale), a semble -t-il été un peu moins importante: je ne sais pas laquelle des deux a été filmée ci-dessous, mais je soupçonne qu'il s'agit de celle de 13h40.




Il est important de noter que l'analyse préliminaire des dépôts de cendres indique qu'il s'agit uniquement de roches anciennes pulvérisées. Dit autrement: l'ensemble des explosions qui ont eu lieu jusqu'à présent, toutes puissantes et à répétition qu'elles puissent être, sont de nature phréatique, c'est-à-dire que pour l'heure le magma qui semble associé à la crise en cours depuis le mois d'avril n'a fait qu'apporter sa chaleur pour déstabiliser le système hydrothermal de l'édifice, sans participer lui-même directement.
Il n'est donc pas possible de dire comment vont évoluer les choses mais si l'on regarde un peu la série d'événement on a d'abord:
- deux explosions faibles, suivies..
- de la plus importante de la série 6 heures plus tard, puis...
- une autre moins importante 3 heures plus tard, puis...
- une autre moins importante encore, 1 heure plus tard.



Le 4eme panache de cendres du volcan Cotopaxi, 14 août 2015
La 4ème explosion. image: IGEPN

Le 5eme panache de cendres du volcan Cotopaxi, 14 août 2015
La 5ème explosion. image: IGEPN


Pour le moment donc cette activité, bien qu'impressionnante, semble suivre une courbe décroissante.  Nous verrons demain si cette tendance s'est maintenue ou inversée, et si le magma sera alors parvenu ou non en surface.

Les cendres du volcan Cotopaxi vues depuis l'espace, 14 août 2015
L'une des émissions de cendres vue depuis l'espace. Image : MODIS/NASA

Fortes concentrations en SO2 produites par le volcan Cotopaxi, 14 août 2015
De fortes concentrations en SO2 relevées par l'IASI (satellite Metop-A). Image : SACS


Les conséquences

Les autorités rappellent que le passage en alerte institutionnelle jaune signifie que des mesures de prévention et de protection peuvent être prises, mais qu'il n'y a pas d'évacuations en cours. Les responsables des COE (Comités Opérationnels d'Urgence) des régions concernées (Cotopaxi, Napo, Pichincha et Tungurahua) et leurs cantons doivent mettre à jour leur plan de gestion de risques. Une attention toute particulière est donnée aux villages situés à proximité du lit des rivières qui descendent du glacier sommital du volcan: le risque de lahars (coulées de boue volcaniques) est élevé et ils pourraient être rapidement affectés.

Mise à jour 15 août, 08h54

Une sixième explosion a eu lieu hier soir, suivie d'un important dégazage au sommet de l'édifice. En soirée, l'IGEPN a indiqué que le calme était revenu et qu'il n'y avait pas eu, pour l'heure, d'autres explosions. Il faudra surveiller pour voir si ce calme se maintient ou non mais d'autres explosions ne sont pas exclues.

La 6ème explosion vue à travers les nuages hier. Image : IGEPN

Mise à jour 15 août, 20h56

Des évacuations préventives ont commencé aujourd'hui suite à la signature d'un décret par le président de la république Equatorienne qui déclare l'état d'exception (je ne connais pas d'équivalent en France) suite à l'activité du volcan Cotopaxi. Ce n'est toutefois pas l'activité observée hier qui est la cause de cette décision, mais plutôt le fait que l'IGEPN ait signalé la descente d'écoulements pyroclastiques sur le versant ouest de l'édifice. Les zones concernées par cette évacuation préventive sont Mulalo, Lasso et les zones habitées proches des rivières qui descendent du versant sud et passent par le canton de Latacunga.

L'ensemble des communiqués, qui se reprennent les uns les autres, indiquent "Flujos Piroclasticos" au pluriel. Cependant je n'en ais repéré qu'un sur les images des webcam. Et il me fait me poser des questions quand à son origine et donc sa signification.

Ecoulement pyroclastique sur le volcan Cotopaxi, 15 aout 2015
Écoulement pyroclastique aujourd'hui, 15 aout 2015. Image: IGEPN

En effet, l'IGEPN indique dans ses communiqués qu'il n'y a pas eu d'autres explosions depuis celles qui ont animé la journée d'hier et même que la sismicité à énormément diminué (le trémor était en légère hausse ce matin, mais très inférieur à celui d'hier). Or pour produire ce type d'écoulement il y a en gros deux possibilités:
- soit les cendres qui les constituent sont produites lors d'explosions violentes.
- soit on a un débordement de lave, par exemple un dôme (situation type Sinabung), soit une coulée (situation type Fuego/Guatemala) dont les effondrements produisent les cendres necessaire à l'apparition du phénomène.

Or:
- aucun signal thermique n'a été repéré: il n'y a pas de lave dans le cratère, donc pas de dôme ni de coulées.
- pas d'explosions non plus.

De plus cet ou ces écoulements, qui pourtant partent du sommet englacé du Cotopaxi et sont censé être assez chauds, n'ont généré aucun lahars, ou écoulement boueux (aucun n'a été repéré en tout cas)

Quid de la nature de cet, ou ces, écoulements? Là, c'est le mystère, le flou, le questionnement. Il faudra attendre les observations des volcanologues de l'IGEPN pour voir si il n'y a pas une surprise au sommet de l'édifice.

Mise à jour 16 août, 08h31


Une nouvelle émission de cendres a été observée hier soir, visible depuis Quito. Elle fut plutôt importante, quoique moins que les 3èmes et 4èmes explosions du 14 août semble-t-il. Son panache a atteint tout de même 5000 m de hauteur (donc au dessus du sommet, lui-même déjà  à plus de 5900m d'altitude).

7eme explosion sur le volcan Cotopaxi, 15 août 2015
Panache de cendres au soir du 15 août. Image : IGEPN
Au cours de la journée d'hier plus de 400 personnes, vivant dans la village de Loreto del Pedregal, situé vraiment au pied du versant nord du volcan, ont été évacuées.

Les données thermiques fournies le 14 août par le satellite LANDSAT 8, et traitées par le volcanologue Rudiger Escobar Wolf du Michigan Tech,  indiquaient alors un signal thermique plutôt sur le pourtour du cratère sommital, ce qui correspondrais plutôt à l’emplacement des dépôts chauds laissés par les explosions, qu'à l'émission de lave dans le cratère.


Sources : IGEPN; NOAA Twitter; SNRG; Ministère Equatorien de l'Environnement; Rudiger Escobar Wolf; presse Equatorienne.

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