26 octobre 2013

Nouveau paroxysme sur l'Etna : le compte-rendu complet

Comme beaucoup de volcanophiles de part le monde, les signes repérés hier ont été pour moi un signal de mise en alerte concernant l'évolution de la situation sur l'Etna. Et à raison pour une fois puisque l'édifice à fini par produire un nouveau paroxysme. Et pas n'importe quel paroxysme, comme vous allez le voir. Comme beaucoup d'entre nous (les volcanophiles), j'ai suivi minute par minute cet événement. Avec une météo parfaite et une lumière idéale, le spectacle a été à la hauteur. Malheureusement, n'étant pas chez moi, je n'ai pas accès à toutes les images produites par les multiples webcams qui pointent vers le volcan, mais celles de l'INGV sont suffisantes pour le décrire par le détail.

Après plusieurs semaines d'une activité sismique un peu perturbée, où l'on a pu voir le trémor faire le yoyo, accompagné de rares lueurs incandescentes, le magma est enfin parvenu à rejoindre la surface dans ce qui constitue la première vraie activité éruptive depuis le paroxysme du 27 avril dernier.
Je dois vous prévenir que tous les horaires indiqués ci-dessous sont en Temps Universel (TU) et qu'il faut ajouter 2 heures pour avoir l'heure Française (et à partir de lundi prochain, il faudra plus n'ajouter qu'1 heure car je vous rappelle qu'on enlève 1 heure ce dimanche pour passer à l'heure d'hiver en France).

L'activité dont je vous ait fait part hier est restée modeste jusqu'en début de nuit où elle s'est progressivement accentuée. Les explosions stromboliennes, toujours assez faibles, sont alors devenues de plus en plus fréquentes et intenses. Le trémor, de son côté s'envole.
Evolution du trémor du volcan Etna, 25-26 octobre 2013
Evolution du trémor depuis le soir du 25 octobre. Image : INGV



C'est à partir de 22h30 toutefois que l'on a pu commencer à voir des explosions stromboliennes un peu sérieuses, dont l'intensité n'a fait que croître jusqu'à la mise en place de la fontaine de lave, à partir de 23h20  environ.
Dans le jargon on dit que le régime (éruptif) est passé d'intermittent à continu.
Contrairement à la plupart des paroxysmes précédents vus cette année, cette fontaine prend de la puissance de manière progressive puisqu'elle n'a atteint son maximum que vers 3h45 ce matin. Depuis ce moment, qui constitue stricto sensu le paroxysme (le moment le plus intense) de l'éruption en cours, la fontaine garde sa vigueur, avec une hauteur maximale estimée à environ 500m (valeur à confirmer).

Fontaine de lave du volcan Etna, 26 octobre 2013
La fontaine cette nuit, vue par une webcam normale et une webcam thermique. Images : INGV

A partir de 03h09, l'activité éruptive à commencé à alimenter une coulée. Celle-ci a émergé par l'arrière du cône (versant ouest), là où il fait un col avec l'ancien cône Sud-Est, et non par l'immense échancrure qui éventre son versant Est. Puis, guidée par la topographie, elle a commencé à lentement se diriger en direction du sud, face aux cônes de l'éruption de 2002 et des ruines de la Torre del Filosofo. Là, arrivée à la base du Nouveau Cône Sud-Est, elle a bifurqué vers l'est, en direction de la Valle del Bove toujours à très faible vitesse. En fin de paroxysme, cette coulée a à peine atteint le rebord de cette dernière et n'a donc parcouru qu'environ 600 m.

Coulée de lave du volcan Etna, 26 octobre 2013
Progression de la coulée vue par les webcams de l'INGV. Images : INGV
Le panache de cendres, au départ relativement dilué, s'est densifié au cours du paroxysme (voire les trois dernières images de la suite ci-dessus pour le constater). A certains moment il se montrait constitué de deux phases: les cendres, grises et sombres d'un côté, et de la "vapeur d'eau"*, d'un blanc éclatant, suggérant la présence d'eau et de son interaction avec le magma ascendant. Ainsi on a pu voir certaines phases purement phréatomagmatiques qui ont même parfois momentanément coupé la fontaine de lave qui s'est retrouvée comme "étouffée", avant de repartir de plus belle.

Panache de cendres du volcan Etna, 26 octobre 2013
Présence d'eau dans le panache. Image : INGV
Panache de cendres du volcan Etna, 26 octobre 2013
La dynamique de la fontaine momentanément interrompue par de la "vapeur d'eau". Image : INGV

Depuis la mis en place de la fontaine de lave et du panache associé, la hauteur de ce dernier est restée stable. Et il est impressionnant, car il atteint une altitude d'environ 13000 m ce qui, une fois la hauteur du volcan (3330 m) retirée, donne une hauteur de 10000 m environ! Sur l'image ci-après, prise depuis Catane, on distingue bien que la partie haute du panache est blanche, presque totalement dépourvue de cendres. La dynamique de la fontaine n'est en effet pas très efficace pour pulvériser la lave en fragments fins et légers. Elle produit essentiellement des bombes, lappilis et cendres grossières qui, très lourds retombent rapidement au sol.
De facto, au fur et à mesure qu'il s'élève, le panache se trie: la partie la plus légère constituée des gaz et quelques cendres très fines, monte tandis que la partie lourde (bombes, blocs etc) s'accumule au sol pour construire le Nouveau Cône Sud-Est.

Panache de cendres du volcan Etna, 26 octobre 2013
Le panache de cendres de l'Etna, dès potron-minet. Image: INGV.

De son côté le Nouveau Cône Sud-Est est vraiment travaillé par la pression qui accompagne l'émission de la fontaine. Il faut imaginer ici les forces en présence et les tensions que subit le cône. Si sa masse lui permet globalement de résister, l'échancrure qui ouvre son versant E
st reste une zone plus faible. Sous l'effet de l'intense pression, on a pu voir apparaître, à partir de 6h30 environ, des panaches bruns dans l'échancrure. Leur couleur, brun clair, indique qu'il s'agit de vieilles roches altérées et non du magma qui alimente la fontaine et la coulée. Ces panaches montrent que les gaz sous pression se sont frayé un passage et se sont mis à fuser à travers l'échancrure, emportant de vieilles cendres au passage.

Eruption du volcan Etna, 26 octobre 2013
Emissions de vieilles cendres depuis l'échancrure du Nouveau Cône Sud-Est. Image : INGV


Mais ce qui rend ce paroxysme exceptionnel par rapport à d'autres c'est que l'activité s'est aussi déclarée au niveau du Cône Nord-Est. "Né" en 1911, la dernière activité éruptive sérieuse répertoriée remonte à mars 1998. Ce fut donc une véritable surprise de voir s'élever, à partir de 06h23, un panache dense, intermittent au départ, puis continue.

Panache de cendres sur le Cône Nord-Est du volcan Etna, 26 octobre 2013
Le panache du Nord-Est au début de son activité. Image : INGV
Le double panache de cendres du volcan Etna, 26 octobre 2013
Les deux panaches de cendres. Image :INGV

La fin du paroxysme a commencé à se faire sentir progressivement à partir de 9h00, lorsque le panache apparu moins dense et la fontaine moins haute. Pour autant cette dernière a continué de fonctionner, s'affaiblissant pour finalement s'arrêter à 10h30 environ. De son côté, malgré  l'arrêt de la fontaine, le cône nord-est continue d'alimenter un abondant panache de cendres.
Au total, l'activité sur le Nouveau Cône Sud-Est aura duré pas loin de 12 heures!

Je compléterais ce rapport en fonction de ce qu'il se passera durant le reste de la journée sur le cône Nord-Est. Il me faudra aussi regarder si il n'y a pas eu une activité, même faible au niveau de la Bocca Nuova qui, pendant l'éruption, à produit un dégazage vraiment abondant. Les images qui sont à ma disposition aujourd'hui ne me permettent malheureusement pas de voir si il y a eu ou non des cendres...

*: j'ai mis le terme "vapeur" entre guillemet car la véritable vapeur d'eau est un gaz transparent, invisible. Les bouffées blanches sont donc en fait constituées de gouttelettes d'eau liquide, et non de la véritable vapeur.

Source : INGV

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire