22 mai 2016

Volcan Sinabung: le bilan s'est encore alourdit hier (màj)

C'est un triste nouvelle qui fait écho à un commentaire laissé sur mon post du 11 mai. L'un(e) des lecteurs du blog avait alors rédigé un complément important qui indiquait alors que des Indonésiens avaient décidé de retourner vivre dans les villages évacués, situés en zone de très haut danger, parce qu'ils en avaient assez des camps d'évacuation.


Les phénomènes (aléas)

L'activité éruptive n'a pas du tout changé de style depuis des mois: elle reste mixte avec une extrusion lente de lave visqueuse au sommet qui alimente un petit dôme. La lave déborde sur le versant est mais, depuis début mai environ, déborde aussi en partie sur le versant sud-est. Il y a donc actuellement deux couloirs, deux ravines, situées de chaque côté de l'imposante coulée de 2014, où ce dôme peut s'effondrer ou s’effriter ce qui génère soit des avalanches de blocs, relativement fréquentes mais peu importantes, soit des écoulements pyroclastiques. L'importance, c'est-à-dire le volume, la vitesse de déplacement et la longueur, de ces écoulements pyroclastiques dépend directement, pour l'activité actuelle du Sinabung, du volume de lave qui se détache du dôme:
- un faible volume produit des écoulements courts, peu dynamiques, qui progressent sur des distance courtes et à vitesse plutôt faible.
- un fragment volumineux de dôme se détache et alors c'est un écoulement plus important qui se forme, plus rapide, qui va plus loin.

D'autres part, l'échappement du gaz contenue dans le magma en cours d'extrusion n'est pas aisé, en raison de la viscosité élevée de ce dernier. Ce dernier se fait donc par à coups, dans des explosions qui sont généralement de faible importance et génèrent des panaches de 1500 à 3000m de hauteur.

J'ai résumé l'ensemble de ces observations dans les trois illustrations ci-dessous, récupérées au cours des derniers jours.

Un écoulement pyroclastique modeste dans le couloir est le 16 mai. Image: PVMBG

Un écoulement pyroclastique modeste dans le couloir sud-est le 20 mai. Image: PVMBG

Une explosion modérée au sommet, due à l'échappement des gaz, le 17 mai. Images: PVMBG

Lorsqu'on regarde l'ensemble il est clair que l'impression est à une activité plutôt tranquille, de faible ampleur: et c'est le cas. Sauf que ce n'est pas parce qu'une activité est faible qu'elle implique un niveau de risque faible, malheureusement. Et en particulier en ce qui concerne l'extrusion de lave visqueuse. C'est un point que j'avais déjà développé lors d'un accident du même type qui avait enlevé la vie à 16 personnes au moins le 01 février 2014 dans le village de Sukah Meria.

Les conséquences

Depuis des mois ce sont essentiellement des fragments de petite taille qui se détachent: ce sont donc les avalanches de blocs et les petits écoulements pyroclastiques qui se forment. Et avec cette ampleur les phénomènes n'impactent que les flancs du volcan, pas les zones situées plus loin, ce que l'on constate facilement avec les illustrations ci-dessus.
De fait, pour les Indonésiens qui observent le volcan, il y a un décalage dans la perception du risque. : si l'activité est faible, durant des semaines d'affilées, c'est que la situation est moins risquée. Et la vie quotidienne dans les camps d'évacuations n'est pas simple du tout, les conditions sont toujours précaires et une lassitude s'est installée. Certains habitants retournent donc régulièrement pour ne pas dire quotidiennement, dans leur village pour continuer de semer et  récolter, afin d'avoir un revenu et/ou un peu de nourriture. Il semble aussi (commentaire dans le post du 11 mai) que certains se soient même franchement réinstallés dans les villages évacués qui, pourtant, sont interdits d'accès. On sait par ailleurs que les zones interdites ne sont pas surveillées: le flux de personnes est libre malgré l'interdiction.

Or il arrive de temps à autres que les fragments qui se détachent du dôme soient importants, et des écoulements volumineux descendent alors plus bas, plus vite, et peuvent entrer dans les zones des villages évacués.

C'est donc l'action conjointe:
- de la lassitude de la vie quotidienne des personnes qui vivent encore en camps d'évacuation et retournent fréquemment dans leur village situés en zone dangereuse, elle même due à la durée de cette crise, et...
- ...d'une activité éruptive qui reste faible mais peut produire parfois des phénomènes volcaniques importants, ici les écoulements pyroclastiques...

...qui a conduit au drame d'hier.

En fin d'après-midi, un peu avant 17h00 Dans l'après-midi à plusieurs reprises des fragments de dôme importants se décrochent et produisent plusieurs écoulements pyroclastiques volumineux. Le plus important, à 14h28 (heure locale) descend le versant est de l'édifice et sa longueur atteint au moins 4500m ce qui lui permet d'arriver dans le village de Gamber ou des habitants travaillent dans leur jardin afin d'améliorer leur quotidien.


Le bilan est de 9 victimes dont, pour le moment, au dernières nouvelles que j'ai pu trouver, 7 décès et deux brûlés graves. La majeure partie des victimes décédées avaient entre 50 et 70 ans, deux d'entre elles étaient plus jeunes: 25 et 45 ans.

Mise à jour, 12h30

Et tant que je suis sur le post concernant la situation du Sinabung, je vous recommande de regarder ce documentaire, publié cette année après de longs mois de tournage/réalisation. Vous y verrez notamment comment le volcan est surveillé et quelles sont les conséquence de l'activité sur le quotidien des habitants. Une bonne façon de visualiser la situation.

Autour du volcan - Version originale sous titrée from Overdub interactive on Vimeo.

Sources: Presse Indonésienne; PVMBG

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