27 mars 2017

Eruption du volcan Langila: allons voir dans le détail

Depuis avril 2016 les signaux détectés, essentiellement depuis l’espace, ont permis de constater qu'une activité éruptive modérée est en cours au Langila, sur la pointe ouest de la Nouvelle Bretagne (Papouasie Nouvelle-Guinée). Elles indiquent notamment que de fortes températures règnent au sommet d'un des cônes
historiquement actifs et qu'assez régulièrement des cendres sont produites. De là se déduisait que cette éruption, quoi qu'il advienne, était au minimum explosive, sans pour autant que l'on puisse préciser le style de cette dernière (vulcanienne? Strombolien intense?). Plusieurs de ces images satellites montraient des émissions de cendres assez abondantes, suggérant une activité explosive pouvant, parfois, être qualifiée de soutenue. On peut en voir un exemple sur cette image prise par SENTINEL 2 début décembre 2016.

Activité explosive soutenue,  à l'origine d'un panache bien chargé en cendres, le 05 décembre 2016. Images: SENTINEL 2 -ESA/Copernicus
Elle se localisait sur ce qui est appelé "cratère n°2", un des trois cônes historiquement actifs de ce massif volcanique, dont la morphologie est complexe, ce qui traduit une histoire longue et semée de plusieurs événements, dont au moins un effondrement de flanc (avant la période historique à priori). Quels que soient les détails de cette histoire, pour le moment largement inconnue, la dernière partie à permis l'édification progressive de plusieurs cônes dont les plus récents sont les n°2 et n°3, ce dernier ayant commencé à être construit à partir des années 1960.

Position des deux principaux cônes actifs du Langila, le nord est en haut de l'image. Image: SENTINEL2-ESA/Copernicus

Or il se trouve que cette activité explosive relativement soutenue a laissé place, courant décembre 2016, à une activité un peu plus tranquille. Si un dégazage important persiste sur le cratère 2, une coulée de lave a commencé à progresser depuis un évent visiblement situé assez bas sur le flanc sud-ouest du cratère 3. Elle ne se distingue pas sur les images en "couleurs naturelles"* et il faut intégrer dans la composition des longueurs d'onde infrarouge pour la révéler*. C'est ce que j'ai fais à partir des données récoltées par SENTINEL 2 le 08 mars dernier, ce qui permet de constater qu'une activité persiste dans le "Cratère 2" malgré la mise en place de la coulée.

Extension de la coulée de lave le 08 mars 2017, le nord est en haut. Image: données SENTINEL2 - ESA/Copernicus; Composition/Annotations: Culture Volcan

Sur la base de cette image la coulée mesurait à la date de "prise de vue" un peu plus de 2000 m de long pour une largeur d'environ 230 m au front. On peut noter que la largeur de la coulée est très faible juste après le point de sortie, ce qui est une conséquence de la topographie. En effet le "Cratère 3" est bordé au sud et à l'ouest par des reliefs, ce qui a créé un col assez étroit entre la base du Cratère 3 et ces fameux reliefs**. On peut constater que le signal thermique produit par la coulée s'interrompt juste en-dessous de la masse de nuages et ne revient qu'au dessus: cela pourrait marquer la présence d'un système de tunnels de lave.

La distance qui sépare le signal thermique du Cratère 2, où l' activité explosive s'est déroulée l'an dernier, et la source de la coulée au Cratère 3 est d'un peu moins de 1000m. Cela suggère un système d'alimentation superficiel (entre 0 et 5 km de profondeur disons) complexe pour ce système de cônes . Il n'est pas impossible qu'une petite activité persiste dans le Cratère 2 car il reste le siège d'une émission forte de rayonnements thermiques.

Je disais plus haut que le départ de l'effusion (coulée) au cratère 3 s'est faite à peu près à la même période que l'arrêt des émissions de cendres au Cratère 2: un lien peut donc être supposé, mais il reste à confirmer et à préciser. On voit en effet la coulée sur les données récoltées le 26 décembre, soit trois semaines après l'image qui est au début de ce post.

La coulée de lave est bien visible sur cette image composée à partir des données du 26 décembre 2016. Image: LANDSAT8 - NASA/USGS

Il n'est pas évident de savoir avec précision à quel moment cette activité effusive a débuté, mais les données du MODVOLC, très précieuses, suggèrent fortement que c'est autour du 20 décembre 2016.

A partir de décembre 2016 le nombre de signaux thermiques monte en flèche donnant le possible moment où l'effusion à commencé. Image: données: MODVOLC/HIGP; traitement et annotations: Culture Volcan

Plusieurs signaux thermiques ont encore été détectés hier 26 mars, suggérant que cette effusion se poursuit à l'heure actuelle.

* images composées en associant au canal bleu une longueur d'onde bleue, au canal rouge une longueur d'onde rouge et au canal vert une longueur d'onde verte.

** ces reliefs sont des parties plus anciennes du massif volcanique du Langila, tout simplement



Sources: MODIS/NASA; LANDSAT8/NASA-USGS; SENTINEL2/ESA-Copernicus; MODVOLC/HUGP

4 commentaires:

  1. Bonjour,

    Selon le Smithsonian, le VAAC de Darwin a identifié une dizaine de panaches de cendres entre début janvier et le 18 février, dernier évènement rapporté. Je ne sais pas s'ils sont issus du cratère n°2 mais cela va dans le sens de l'image du 08 mars qui semble indiquer que l'activité effusive n'aurait peut-être pas supplanter l'activité explosive...

    Bonne journée,

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    1. Bonsoir Ludovic.
      Avec le temps, et la lecture quasi quotidienne des bulletins des VAAC depuis 2002, j'ai appris une chose: le fait que soit marqué "Voclanic Ash Plume" ne signifie pas forcément qu'il y a des cendres. Il s'agit à priori d'une catégorisation, qui s'applique lorsqu'un panache est détecté, même si il est essentiellement constitué de gaz (comme sur l'image du 08 mars). J'ai donc l'habitude d'essayer de recroiser ces bulletins avec des données satellites (MODIS et autres) pour voir si j'arrive à détecter ce qui a été détecté. Or autant en décembre on arrive à voir des panaches bleutés, qui s'étendent assez loin, et parfois même des cendres, mais depuis janvier, rien de semblable n'est visible...
      Je ne peux évidemment pas être sûr à 100% qu'il y a un lien entre le départ de l'effusion et un arrêt ou un affaiblissement de l'activité explosive. Mais au niveau de ce que l'on peux voir, ce lien semble plausible et les bulletins du VAAC, relayés tels quels par le GVP, ne sont pas un argument suffisant pour moi puisque je n'ai pu les recouper avec rien.

      Bonne soirée :)
      CV

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    2. Alors tout s'explique... car je n'imaginais pas que tu n'avais pas vu ces bulletins !

      Merci pour ta réponse,

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  2. Bonjour,

    L'Indice d'Explosivité Volcanique des volcans de Papouasie Nouvelle Guinée est estimée autour de 4-5 ce qui remarquable une telle densité!

    "Dakataua, Pago, Billy Mitchell all produced VEI 5 or greater eruptions in the last 10,000 years "

    "Rabaul, Tavui, Ulawun, Lolobau, Lamington, Karkar, Manam and Long Island have all experienced numerous VEI 4 eruptions over that timespan"

    Au 21 siècle quel sont les volcans qui prendront la relève du Pinatubo, mont Saint Helens, Quizapu et Santa Maria du 20 siècle ?

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