10 août 2017

Un nouveau volcan actif pour le Japon?

Lorsqu'on parle volcanisme il y a tout de même une chose qui ne doit, me semble-t-il, jamais être perdue de vue: concrètement, aujourd'hui, personne ne sait combien précisément il y a de volcans actifs* à la surface du globe. On avait déjà vu, grâce aux cas de nouveaux volcans en Colombie en 2013 et 2015,  que l'identification repose principalement (mais pas que) sur l'analyse des dépôts et, plus particulièrement de leur datation. Les volcans dits 'actifs' sont en effet ceux pour lesquels au moins une éruption a été datée à moins de 10 000 ans. Ainsi la liste du Global Volcanism Program n'est ni exhaustive (pas pour le moment mais c'est le but) ni invariable: des noms sortent, d'autres entrent au gré des analyses et découvertes.
Mais que faire lorsque ces volcans sont invisibles? Par exemple, lorsqu'ils sont sous plusieurs centaines, voire plus d'un millier de mètres d'épaisseur d'eau? Identifier un nouveau volcan actif relève alors à la fois de la technique, de la science et de la chance aussi.

Faire une image de ce qu'il a sous l'eau c'est, en fait, s'en remettre à des technologies utilisant les ondes radars ou sonores, qui peuvent traverser l'eau et se refléter sur le fond, permettant ainsi de fournir une image de ce qui s'y trouve. Le problème c'est que pour avoir une bonne résolution des images, assez détaillées pour qu'on puisse y reconnaitre des structures, des morphologies volcaniques, le matériel doit être embarqué sur des bateaux ou, pour une meilleure résolution, des robots sous-marins autonomes (AUV) qui se déplacent, par définition, plus près du fond.
Et là...la surface à couvrir est tellement immense (les océans et les mers rien que ça) qu'avant d'avoir fait le tour.... Bien évidemment il est possible de restreindre un peu les secteurs de recherches: les zones de subduction et les dorsales produisent par exemple des édifices volcaniques alignés, situés dans une zone géographique relativement étroite: pas la peine alors d'aller voir en priorité à plusieurs centaines de kilomètres de ces alignements pour tenter de trouver de nouveaux volcans actifs.

Par exemple: n'est-il pas étrange que dans l'archipel Japonais des Ryu-Kyu, entre Taïwan et le sud du Japon; plus de 500 km sépare les îles volcaniques Iriomote-Jima et Iwo-Tori-Shima, là où seulement quelques dizaines de kilomètres séparent les volcans actifs plus au nord? 

Le hiatus de volcanisme des Ryu-Kyu. Image: Google Earth

Bien sûr il peut à priori y avoir des raisons géologiques, tectoniques, à cela. D'importants hiatus de volcanisme existent en effet dans la cordillère des Andes: l'un long de 700 km entre les volcans Tipas (Argentine) et Tupungatito (Chili), l'autre long de 1500 km entre les volcans Sangay (Equateur) et Sara Sara (Sud Pérou). Toutefois, bien que dans les deux cas il s'agisse de zones volcaniques liées à des subductions, elles présentent des différences importantes, le magmatisme (et du coup  le volcanisme) étant perturbé dans les Andes par la subduction de limites de plaques sous le continent Sud-Américain.

Or en face du hiatus Japonais, rien n'indique la présence d'éléments susceptibles de perturber le magmatisme, donc à priori aucune raison pour qu'il n'y ait pas de volcanisme. Ce hiatus est probablement le résultat de fait que, pour le moment, les données topographiques et géochimiques du fond marin dans cette zone n'ont pas permis de déceler de nouveaux édifices volcaniques.

Mais il est très probable que l'un d'entre eux vienne d'être découvert dans le secteur de l'île de Kume-Jima, non loin d'Okinawa, donc quasiment en plein milieu de ce hiatus. C'est en tout cas ce que rapportent les gardes-côtes Japonais dans un rapport publié le 21 juillet.

En effet lors d'une campagne de cartographie sous-marine, dont le but n'est pas précisé dans le dit rapport, les données en haute résolution récoltées grâce à un AUV ont permis de détecter des morphologies volcaniques très fraiches, sur lesquelles la couche de sédiments n'est pas assez importante pour les estomper, ce qui atteste de leur âge récent. Il s'agit d'un édifice volcanique dont la forme est complexe, constitué d'un regroupement de dômes de lave, proches, visiblement plutôt récents (morphologie caractéristique), se chevauchant parfois et accompagnés de belles coulées de lave visqueuse, épaisses et larges. Le plus imposant de ces dômes mesure plus de 200 m de hauteur et plus de 800 m de large

Des dômes et des coulées de lave visqueuse récents, sous les eaux de la Mer de Chine Orientale, non loin de Kume-Jima. Image: Gardes-Côtes Japonais

Coulées de lave visqueuses superposées, peut-être plus anciennes: on distingue vaguement en surface des plis, mais très estompés, peut-être par une couverture sédimentaire plus épaisse. Image: Gardes-côtes Japonais

Ce massif volcanique, qui ne semble pas encore avoir de nom**, mesure environ 600 m de hauteur. Et comme le nombre de dômes et de coulées reste limité, il n'est pas impossible que ce massif ne soit que dans sa toute première phase de croissance, lorsque le volcanisme est encore dispersé, étape préliminaire avant qu'il ne devienne, peut-être, ce que l'on appelle un stratovolcan, ou stratocône. Mais ça ne sera pas avant plusieurs dizaines-centaines d'autres éruptions, et plusieurs dizaines ou centaines de milliers d'années.

Pour finir, une colonne d'eau plus chaude que la moyenne a été détectée à proximité de la coulée visqueuse de la première image, ce qui renforce l'idée que ce massif est actif. Reste maintenant que ce cas doit être étudié par le Global Volcanism Program pour son intégration dans la base de données. Qui sait: peut-être lors de sa prochaine mise à jour?

* et je me demande si tout le monde est bien d'accord sur la définition d'un volcan: les choses de ce point de vue ne me semblent pas très claires en réalité, mais c'est un autre sujet.
Sources: Gardes-Côtes Japonais

** rien dans le rapport, mais les traductions automatiques ont aussi leurs limites donc j'ai pu passer à côté.

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