28 mars 2018

Les actus volcaniques du jour: Erta Ale, Maly-Semiachik, Suwanose-Jima et Ebeko

Erta Ale, Éthiopie, 613 m

La situation globale n'évolue guère sur l'imposant volcan-bouclier Éthiopien, et la phase éruptive qui a débuté en janvier 2017, marquée par l'ouverture d'une fracturation sur la Rift Zone sud suivie d'une abondante effusion, se poursuit actuellement.
Cela fait toutefois quelques mois que, globalement, l'effusion sur la Rift-Zone sud perd en importance, sans toutefois se tarir. Le lac de lave qui s'était formé sur la Rift-Zone, a vu sa surface se solidifier visiblement complètement: plus d'émission infrarouges importantes depuis mi-février, seule une zone (peut-être au niveau de l'endroit où la lave entre dans le lac) rayonne encore un peu de chaleur*, mais sa surface est visiblement déjà solide.
Cependant depuis cette Rift-Zone la lave continue de suinter, cachée dans un système de tunnels de lave maintenant visiblement bien stabilisé sur une quinzaine de kilomètres de long. Tunnels qui débouchent près de la plaine sédimentaire, où la lave sort à l'air libre et s'étale en continuant de construire le delta de lave, dont la formation a débuté en octobre 2017.
Or depuis une grosse semaine maintenant, un lobe de coulée (un front si vous préférez) a vu sa progression accélérer, probablement en raison d'une topographie locale favorable: il a parcouru environ 1800m entre les 15 et 25 mars et, du coup, a pu pénétrer dans la plaine sédimentaire, et s'y avancer plus loin encore que tous les lobes précédents qui y sont parvenus. En ce moment même il recouvre un lit de rivière (sables, galets etc), brûlant la maigre végétation qui parvient à y survivre.

La progression rapide (1800 m en 10 jours environ) d'un lobe de coulée. Images: SENTINEL2-ESA/Copernicus

Au sommet l'activité éruptive reste confinée dans le Pit Crater sommital sud (rien dans le Pit Crater nord). Elle se manifeste toujours sous la forme d'un lac de lave toujours très dynamique!

Sources: SENTINEL2-ESA/Copernicus; Olivier Grunewald

*le "un peu" est relatif: c'est peu de chaleur par rapport à ce qui était rayonné il y a encore quelques semaines, mais il est possible qu'on puisse encore y fondre des semelles de chaussures....

Suwanose-Jima, Japon, 796 m

Depuis 2-3 jours le VAAC de Tokyo indique que des émissions de cendres sont produites au Suwanose-Jima, l'un des volcans les plus actifs du Japon. Il n'y a pas de détails concernant ce qu'il se passe dans le cratère actif, nommé Otake, mais classiquement les phases éruptives sont stromboliennes, pouvant parfois passer à des explosions aux caractéristiques plus vulcaniennes.
La phase en cours depuis peu semble plutôt plafonner à du Strombolien: il y a parfois de fortes lueurs incandescentes qui émanent du cratère et des émissions de cendres qui restent modestes.

Incandescence et émission de cendres dans la nuit du 27 au 28 mars. Image: JMA, merci à Shérine France

Émission de cendres dans la nuit du 28 au 29 mars. Image: JMA

Ce type de phase éruptive est fréquente et ne présente à ce stade aucun risque particulier, mais peu provoquer une gène pour les insulaires via les chutes de cendres, qui ne sont jamais très agréables.

Sources: VAAC de Tokyo; JMA

Ebeko, Russie, 1156 m

Cela fait maintenant pratiquement un an que je n'ai plus écrit un mot (excepté sur twitter) concernant l'activité en cours sur ce volcan. Cela ne signifie pas qu'il ne se passe plus rien, mais l'activité est en fait plutôt monotone et reste donc sur le même mode: des explosions la plupart du temps faibles (panache de quelques centaines de mètres de haut, voire un peu plus d'un kilomètres) et certaines modérées, avec des panaches pouvant dépasser les 2000m de hauteur.



Toutefois la dispersion des particules, et leur dépôt au sol, est systématiquement rapide, suggérant plusieurs choses:

- la quantité de particules (cendres (< 2mm), lappilis (2mm<-<64mm), voir bombes/blocs (>64mm)) est plutôt faible, signe d'une explosivité elle-même faible.

- la taille des particules pourrait être grossière (peut-être des lappilis en majorité), ce qui serait aussi cohérent avec une faible explosivité.

- la température du panache est faible et n'a donc pas la capacité d'entrainer les particules dans l'atmosphère (surtout si elle sont grosses), du coup elles retombent vite.

Ce qui est sûr c'est qu'au cours de l'année écoulée, aucun signal thermique n'a été relevé depuis l'espace sur le site où se déroulent les explosions: pas de magma en surface donc! Toutefois, il n'est pas impossible que ces émissions de cendres, dont la fréquence reste plutôt faible, soient dues à une petite intrusion magmatique, dont une partie de la chaleur déstabilise le système hydrothermal, très développé dans cet édifice.

Le niveau d'alerte aviation est maintenu à l'orange depuis le 27 février 2017 : même si la quantité de cendres produites est faible, elle génère un risque pour les vols à basse altitude, dont ceux qui font la liaison avec la péninsule du Kamchatka, toute proche.

Source: KVERT; KB-GS-RAS

Maly Semiachyk, Russie, 1560 m

Le KVERT a décidé d'élever, le 22 mars dernier, le niveau d'alerte volcanique de ce massif situé près du volcan Karymsky, sur la péninsule du Kamchatka. La glace qui couvrait le lac d'acide sommital a fondu rapidement (moins de 10 jours) alors que le massif lui-même reste enneigé, suggérant que la température du lac a augmenté de manière significative. Le KVERT parle aussi d'anomalie thermique mais, de mon côté, je n'ai pu en détecter aucune de significative via les outils à disposition (SENTINEL; LANDSAT; MODVOLC; MIROVA). Un des algorithmes utilisé pour traiter les données des satellites MODIS semble indiquer un parfois un très léger signal mais il tellement faible qu'il faut se poser la question de savoir si il ne pourrait pas s'agir d'un artefact.

Quoi qu'il en soit la fonte de la glace du lac a été rapide: moins de 10 jours!

En fausse couleur on voit nettement la glace (bleue) laisser la place à l'eau libre (noire). Images: SENTINEL2-ESA/Copernicus
La crainte, qui justifie aussi le changement de niveau d'alerte, est de voir se mettre en place une activité explosive, qui pourrait (si elle démarre) être rendue plus intense à cause de la présence du lac (activité phréatomagmatique).

La situation est évidemment à suivre de près.

Sources: KVERT; SENTINEL2-ESA/Copernicus

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