7 février 2015

L'activité du volcan Fuego produit des écoulements pyroclastiques (mis à jour 08 février)

Le volcan connait depuis la nuit dernière une hausse très significative de son activité. Elle a fait l'objet d'un bulletin spécial par l'INSIVUMEH, organe en charge de l'observation des volcans au Guatemala, aujourd'hui même et la décrit comme très élevée, produisant plusieurs explosions intenses par heure. Le dégazage est audible, tout comme certaines ondes de chocs. La nouveauté, qui est en fait redoutée à chaque fois que le Fuego fait un crise comme celle-ci
(plusieurs fois par an), c'est que cette activité strombolienne ne génère des écoulements pyroclastiques. Dans la plupart des cas les paramètres de l'éruption ne le permettent pas, mais pas cette fois-ci. Depuis la nuit dernière on peut voir se dessiner sur les images webcams la présence, sur le versant sud-est, les panaches des écoulements et l'incandescence des fragments de lave qui les constitues. On peut aussi voir les incendies qu'il déclenchent en arrivant bas sur la pente. De jour ces panaches, dit co-pyroclastiques, sont encore plus visibles.


Ecoulements pyroclastiques sur le volcan Fuego, 07 février 2015
Présence des écoulements pyroclastiques sur les images webcams d'aujourd'hui. Images: OVFGO-INSIVUMEH/USAID/Michigan Tech

On peut légitimement se demander si certains d'entre eux ne sont pas simplement dûs à de la poussière soulevée par d'abondantes avalanches de blocs de lave qui descendent du sommet. Pourquoi pas, d'autant plus que de tels éboulements sont bien visibles, et fréquents, dans la pente cendreuse qui s'ouvre sur le versant sud-sud-est. Mais les images transmises aujourd'hui par la presse et les réseaux sociaux, ne laissent pas de doute sur la présence de volumineux écoulements pyroclastiques sur le flanc sud-est, une ravine fréquemment impactée par ce type de phénomène volcanique et qui a la particularité de déboucher pile sur la route qui relie les villes d'Antigua et d'Escuintla, deux zones urbaines importantes du secteur. Ces dernières ne sont pas directement menacées, mais cet axe routier est important pour elles.


Ecoulement pyroclastique sur le volcan Fuego, 07 février 2015
Front d'un écoulement pyroclastique. Image: Vinicio Bejarano/Prensa Libre

Sans être menacées, les deux villes précitées peuvent toutefois subir les désagréments qui accompagnent la production de grandes quantités de cendres. Ces dernières retombent en ce moment-même sur Antigua.


Le SE-CONRED, organisme en charge de la gestion des crises cette fois, est sur le terrain pour mettre en place et préparer d'éventuelles mesures (fermetures d'accès routiers, évacuations préventives potentielles etc). L’organisme s'est mis en alerte institutionnelle Orange, un niveau élevé qui lui permet de mettre en communication et en coordination tous les organes qui participent au dispositif SE-CONRED. Outre les institutions type INSIVUMEH, ce dispositif est constitué des décideurs locaux, départementaux et régionaux. Si le SE-CONRED décidait de passer le niveau d'alerte public à l'orange, cela signifierait que des évacuations auraient lieu mais, pour le moment, l'alerte institutionnelle permet de préparer tout ça pour anticiper les actions à mener.
L'activité est impressionnante, comme souvent lorsque le Fuego entame une phase strombolienne avec écoulements pyroclastiques, mais pour le moment aucune mesure particulière ne semble avoir été prise, du moins je n'ai rien vu dans ce sens dans la presse par exemple.

Comment une activité strombolienne (lave fluide) peut-elle produire de tels écoulements, que l'on associe  plutôt aux dômes de lave (lave visqueuse) en général (à tord souvenez-vous)?
C'est, au départ, une question de débit et de topographie. Lorsque l'activité est faible ou modérée la quantité de lave qui sort au sommet du Fuego est tout aussi faible ou modérée. La lave, relativement pauvre en  gaz, est évacuée sous forme de bombes par les explosions stromboliennes et ce qui parvient à déborder disparaît assez vite en avalanches de blocs. En effet la pente est forte et tout débordement de lave est instable et a tendance à s'effriter. 

Mais quand le débit augmente, sous l'arrivée d'un magma plus riche en gaz, l'activité strombolienne monte en puissance et la lave déborde  en plus grande quantité. Parfois elle parvient à former simplement une coulée de lave qui s'allonge dans la pente, parfois ce sont des écoulements pyroclastiques, signe que de plus gros volumes de lave se décochent du sommet.

La richesse en gaz de la lave joue probablement un rôle ici: plus il y en a, plus la lave aura tendance à s'effriter, car une masse remplie de trous sous pression est  toujours moins stable (et facile à rompre) que la même masse compacte. De plus c'est ce gaz qui, une fois libéré lors d'un effondrement, donne toute leur mobilité aux écoulements pyroclastiques.

La situation est à suivre, notamment sur la webcam de l'Observatoire du Fuego (OVFGO).

Mise à jour 8 février, 07h12

L'INSIVUMEH confirme dans un bulletin spécial que l'activité s'est accompagnée d'une hausse débit de lave car elle décrit la présence de deux coulées, longues de 600 m hier soir à 21h30 (heure locale) se dirigeant vers les ravines Taniluya et Cenizas, situées sur le versant sud-ouest, face à la webcam dont je vous ais passé le lien. Elles restent par contre invisibles sur les images de cette dernière alors qu'une très forte, et très étirée, incandescence est visible sur le versant sud-est, plutôt du côté de la ravine dite "Las Cañas". Sa présence persistante sur plusieurs images est plutôt cohérente avec une coulée de lave qu'avec un écoulement pyroclastique, phénomène qui donne une incandescence courte dans le temps. Si il s'avère que cette lueur est bien une coulée elle est déjà longue, sur l'image, d'environ 1300 m.

Incandescence qui pourrait être due à une coulée de lave en progression sur le versant sud-est du Fuego. Image: OVFGO-INSIVUMEH/USAIS/Michigan Tech

L'activité explosive n'est pas en reste en tout cas car la production de cendres a été (est?) tellement importante que les autorités ont décidé la fermeture de l'aéroport international La Aurora, situé dans la capitale Guatemala Ciudad, à 40 km au nord-est du volcan.

En outre une centaine de personnes ont été évacuées d'une zone appelée Sacatepéquez non localisée formellement.






Sources: INSIVUMEH; CONRED; Twitter; La Prensa Libre

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